Un partage de propriétés sur plan

En 1836, Victor Lécoyer épouse Éléonore Dromeray à Fourmies où vit la jeune fille et où Victor Lécoyer est cultivateur. Cet évènement a lieu en présence de la mère d’Éléonore, celle-ci n’a que dix-huit ans et son père est décédé (il était palonnier), elle doit être assistée. Les témoins sont les oncles d’Éléonore Dromeray, le frère de Victor Lécoyer : Aimé Lécoyer, et leur cousin germain : Victor Delloue.

Rapidement le couple achète une maison et des pâtures à Anor, rue d’Hirson pour s’y installer. C’est là que naît leur premier enfant Victoire Joseph. Ce premier enfant porte le prénom de sa grand-mère maternelle et celui de sa tante. Le sexe de cet enfant n’est pas inscrit dans son acte de naissance, on prend l’habitude de l’appeler Apollinaire. Lire L’enfant asexué (1) et L’enfant asexué (2)
Le deuxième enfant du couple naît aussi dans cette maison en 1840, c’est une fille prénommée Mathilde Flore. Ensuite le couple a l’opportunité d’acheter une deuxième maison avec d’autres pâtures contiguës à leur premier achat. C’est la maison Marguerite (Lire La Maison Marguerite) où naît en 1845 leur troisième enfant : Sydonie Julie. Victor Lécoyer est toujours palonnier, mais sur certains actes il se déclare propriétaire. Il achète encore quelques petites parcelles éparses dans le village, la carte suivante représente ses biens acquis reportés sur le cadastre section D de 1823 :

La révolution industrielle, la construction de la ligne de chemin de fer Hirson-Valencienne (1866) entraîne une demande croissante de logements pour ces nouveaux salariés. Les achats de terrains de Victor Lécoyer vont lui être profitable et il commence une nouvelle carrière dans l’immobilier.
Fort des ces cinq hectares de terrains constructibles (parcelles 394, 388), des 170 m de façade sur la rue d’Hirson et 200 m de façade rue de la papeterie, Victor Lécoyer va ouvrir un nouvel accès entre la rue d’Hirson et la rue de la gare (actuellement rue Fostier-Bayard) permettant de constituer des nouveaux lots à bâtir. Cette rue portera son nom jusque dans les années 30 : la rue Lécoyer, aujourd’hui c’est le prolongement de la rue du Petit Canton. Victor Lécoyer réaménage sa première ferme pour en faire cinq logements locatifs dont les ouvertures donnent sur la nouvelle rue Lécoyer. Il va faire construire un coron de cinq logements rue d’Hirson et deux maisons face à la maison Marguerite, huit logements rue de la papeterie, et neuf autres impasse de la carrière (actuellement St Sauveur). En tout plusieurs dizaines de logements locatifs pour des ouvriers et employés : des maisons élémentaires pour répondre à une demande croissante.
Sur le plan transmis par ses héritiers, la pâture au bout de l’impasse de la carrière est noté en manuscrit « ancienne carrière du Gd père Lécoyer » ceci laisse à penser que Victor Lécoyer avait sa propre source de pierre à bâtir, mais aucun document dans les archives le confirme.

Impasse de la Carrière

Parallèlement, Victor Lécoyer va vendre aux notables de la ville des terrains constructibles notamment à son petit-cousin Victor Delloue, directeur de la papeterie, à qui il cède un droit de passage pour se rendre directement à sa fabrique à travers sa pâture. Il est vrai que les maisons construites rue d’Hirson offre un avantage non négligeable pour l’époque : elles sont à moins de 500 m de la gare. Construite sur le haut du coteau, elles offrent une vue sur la vallée de l’Anorelle et permettent aux propriétaires d’avoir de l’espace.

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En moins de vingt ans le quartier est métamorphosé, les fermes isolées de la rue d’Hirson se retrouvent entourées de nouvelles constructions : des logements ouvriers agrémentés d’un jardinet, des maisons divisés en appartements, plus destinées aux employés du tertiaire arrivés grâce aux échanges commerciaux (douaniers, banquiers, assureurs, employés à la compagnie du Nord…). L’arrivée de cette population entraîne des constructions de service ou de loisirs : une école, une salle de bals et de concerts, coiffeur, des commerces de proximité (boulangeries, boucheries, épiceries…), des hôtels pour accueillir les voyageurs et bien sûr des cabarets et des estaminets. Les artisans saisissent l’opportunité pour installer leur atelier dans ce quartier comme les nouveaux sites industriels qui recherchent la proximité de la gare.
Le métier de palonnier disparaît petit à petit faisant place à celui de ferblantier pour toutes les fabrications d’ustensiles et une fabrique de couvert en inox ouvre ses portes à l’initiative de M. Pierquet.
Sur tous les actes qui suivent l’achat de la maison marguerite, Victor Lécoyer se déclare propriétaire et plus tard rentier. Il vit de ses loyers et de la vente de ses terrains. Il a 58 ans lorsqu’il devient veuf en 1871, alors que toutes les constructions des maisons ne sont pas terminées. Son unique fils Apollinaire Lécoyer décède en 1874 à 37 ans, sans connaître sa fille Jeanne Lécoyer qui nait deux mois après sa mort.
Après le décès de sa femme, Victor Lécoyer rachète les parts de ses trois enfants et devient le seul propriétaire de ses biens. Lorsqu’il se remarie, 3 ans plus tard, avec Marie-Louise Troquelet, le contrat de mariage stipule que seuls les enfants de sa première union sont héritiers.
En 1892, Victor Lécoyer est présent au mariage de son petit-fils Henri Proisy, fils de Mathilde Lécoyer. Il porte un chapeau haut de forme, symbole d’une réussite sociale, du respect et de la richesse : la nouvelle bourgeoisie du XIXe siècle. Entouré de ses filles Sydonie Lécoyer épouse Brihaye et Mathilde Lécoyer Vve Proisy, de ses petits-enfants et de ses arrières petits-enfants dont Lucie Leclercq.

1892 -Anor – Mariage d’Henri Proisy et Elvire Rigaumont

Victor Lécoyer décède le 28 septembre 1893 à son domicile : la maison Marguerite. Il laisse à ses héritiers la totalité de ses biens, exceptée une des deux maisons faces à la maison Marguerite qu’il a vendu à la famille Gonthier et qui est rachetée plus tard par sa petite-fille Jeanne Proisy et son mari pour constituer la dote de leur fille : Lucie Leclercq. Sa seconde femme, Marie-Louise Troquelet, bénéficie d’une pension et se retire dans la maison héritée de son premier mari à Ohain.

Les biens immobiliers sont partagés en trois parts entre ses filles et sa petite-fille : Mathilde épouse Oget en 2nde noce, Sydonie épouse Brihaye et Jeanne épouse Leroy. Ils sont détaillés comme suit sur la transcription au registre des hypothèques :

  1. maison rue d’Hirson 5 logements 840 Frs
  2. maison rue Lécoyer 1 logement 192 Frs
  3. maison rue Lécoyer 2 logements 240 Frs
  4. maison rue Lécoyer 3 logements 432 Frs
  5. maison rue Lécoyer 2 logements 288 Frs
  6. maison rue Lécoyer 5 logements 720 Frs
  7. maison rue d’Hirson, écurie 5 places, jardin 240 Frs
  8. 2,74 ha de pâtures près de la maison 7 350 Frs
Plan remis à Mathilde Lécoyer lors de la succession de son père et transmis de fille en fille pendant 5 générations



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