Un dossier de carrière d’instituteur : Georges Giraudon, directeur à Buzançais

Georges Giraudon, mon arrière-grand-père adoptif, a déjà fait l’objet d’un article Georges Giraudon, un poilu chevalier de la Légion d’honneur. Son dossier de carrière d’instituteur est composé d’une trentaine de documents. Le premier est une notice individuelle, signé du directeur de l’École Normale de Châteauroux qui dresse un portrait plutôt élogieux de l’élève de la promotion 1903, alors âgé de dix-neuf ans :

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Georges Giraudon est nommé maître stagiaire dans la commune de Chabris où il prend ses fonctions le 10 octobre 1906. Il est inspecté l’année suivante, quelques conseils lui sont prodigués dans un rapport. On apprend aussi que l’enseignant souhaite un poste à Issoudun.

En mars 1908, Georges Giraudon annonce par courrier à l’inspection académique qu’il a été déclaré bon pour le service. Il finit l’année scolaire en cours et reprend son métier deux ans plus tard dans le village de Villiers. Il enseigne auprès d’une vingtaine d’élèves dans une classe unique. Il a le même statut de stagiaire, mais quelques mois plus tard, il devient titulaire et accède à son souhait d’enseigner à Issoudun. Il est alors le maître d’école de cinquante élèves de cours moyen. C’est de courte durée puisqu’il retourne à Villiers en 1913. L’inspection de cette année-là se déroule mieux que celle d’Issoudun, en effet à Villiers, il obtient une note de 13 et demi, contre 9 et demi l’année précédente.
À la mobilisation générale en août 1914, Georges Giraudon quitte le village de Villiers : les années de guerre de Georges Giraudon
À son retour, il est affecté à l’école communale de Pouligny-Saint-Pierre. Il est inspecté un mois après son arrivée. L’école est en mauvais état tout comme le logement de l’instituteur. L’inspecteur suggère de faire agrandir les fenêtres et la cour, de mettre des urinoirs et de prévoir une cantine. Le taux d’absentéisme est très important dans la classe unique de 62 élèves inscrits, il en manque un tiers le jour de l’inspection. Les conclusions de l’inspecteur relatent que M. Giraudon est arrivé récemment et qu’il se trouve en présence de difficultés particulières : effectif important et les habitudes antérieures, il lui octroi la note de 13 et demi. Dans ses vœux, l’instituteur demande une augmentation de son traitement, car il juge celui-ci insuffisant pour faire vivre une famille. En effet, Georges Giraudon n’est plus célibataire, et son épouse, Jeanne Gourrier, n’exerce pas de profession.

Georges Giraudon enseigne aussi aux adultes de la commune et il en est félicité en 1921. En mai 1922, l’inspecteur revient à l’école de Pouligny-Saint-Pierre. Une deuxième classe a été créée et Georges Giraudon est devenu le directeur. Il enseigne à treize élèves du cours moyen et quinze élèves du cours élémentaire. L’assiduité des élèves s’est nettement améliorée, car seul un enfant est absent le jour de l’inspection. Georges Giraudon obtient la note de 14 et demi. Il quitte l’école à la fin de l’année scolaire suivante pour aller enseigner à l’école des garçons de Montgivray.
Deux mois et demi après son arrivée, Georges Giraudon est inspecté. L’école semble être dans un bien meilleur état que celle de Pouligny et l’enseignant dispose de matériel adapté à ses besoins. L’inspecteur conclut son rapport en inscrivant que M. Giraudon « paraît d’esprit actif et ouvert et le peut que j’ai pu voir de lui me laisse une fort bonne impression ». Il donne à l’instituteur la note de 14 et demi.

Durant ses dix années d’enseignement à Montgivray, Georges Giraudon est inspecté neuf fois. En 1930, il obtient sa note maximum de 15. À la rentrée scolaire de 1933, Georges Giraudon prend la direction de l’école publique de garçons de Buzançais : il a en charge les élèves du cours supérieur qu’il prépare à l’examen du CEPE (Certificat d’Études Primaires et Élémentaires). Il donne des cours pour les adultes, il est aussi trésorier de la caisse des écoles et de la cantine. Georges Giraudon est inspecté tous les ans jusqu’en 1938 et il obtient toujours la note de 14 et demi. Les résultats de ses élèves sont satisfaisants puisqu’ils sont presque toujours tous reçus à l’examen. Néanmoins, on s’étonne, en marge du rapport de l’inspecteur, que ses conseils ne soient pas suivi par l’instituteur.

En 1935, Georges Giraudon est accusé, par une lettre anonyme adressée à l’inspection académique, d’avoir donné un coup de baguette à un élève :

« Buzançais le 1er juin 1935
Monsieur l’inspecteur,
Il vient de se passer ce matin à nos
écoles de Buzançais un cas peu ordinaire
M. Giraudon le chef de l’école s’est permis
de donner à un élève Gérard Laclair un
coup de baguette avec brutalité de toute
la longueur de la joue et l’enfant est
revenu en sang car il a beaucoup saigné
avec la fièvre
Est ce que ces messieurs […] dont nous
payons des impôts fort chers pour
payer leur fabuleux traitement
ont le droit de frapper nos enfants
celui-ci aura la marque sur la joue
toute sa vie

Eh bien, je vous assure que cela se
passera pas ainsi et si M. l’Inspecteur
n’en fait rien tous les pères de famille
vont faire une pétition et l’envoyer au 
»

Verso
« ministre de l’Instruction publique
pour chasser ce bourreau
par l’intermédiaire d’un député de
nos amis
Agréez M. l’Inspecteur nos salutations
empressées
Plusieurs pères de famille
bien décidés à revendiquer nos droits
 »

Note de l’académie : « La presse a été saisie de la même lettre il y a lieu d’inviter M. Giraudon à la prudence »


« M. Giraudon ne nie pas la réalité du fait mais prétend que le coup n’était nullement destiné à l’enfant, qu’il n’était du reste destiné à personne, simple mouvement malheureux que le directeur a lui-même regretté. Je l’ai invité à la prudence, à ne pas user de sanctions non prévues dans le règlement. »

L’année suivante, l’enseignant est inspecté et obtient la note de 14 et demi. L’incident n’a visiblement eu aucun impact sur sa carrière.
Le jour de la rentrée scolaire de 1939, Georges Giraudon n’est pas présent à l’école de Buzançais. À cinquante-deux ans, il est mobilisé en vertu de l’article 40 de la loi du 31 mars 1928 qui permet, en cas de guerre, au gouvernement de rappeler à l’activité des hommes dégagés des obligations militaires.
Démobilisé le 22 juillet 1940, Georges Giraudon se met en rapport avec son remplaçant Monsieur Pfirsch, originaire d’Alsace. En se rendant au domicile de ce dernier, Georges Giraudon refuse de serrer la main que lui tend son collègue. En effet, Georges Giraudon reproche à son remplaçant de ne pas avoir défendu sa femme pendant l’occupation allemande. Des soldats ont brisé la serrure du portail de l’école pour s’installer dans un logement et Mme Giraudon était contrainte d’entretenir leur linge. Monsieur Giraudon a constaté que le matériel de l’école avait été détérioré, que l’instituteur alsacien ne semblait pas avoir réagi à temps pour mettre à l’abri les livres, outils et autres matériel. Seule Mme Giraudon et une autre femme ont pris l’initiative de clouer des planchette sur les portes des placards pour protéger ce qui restaient après l’occupation allemande et avant l’arrivée des soldats français. Pour finir, M. Giraudon accuse son remplaçant de ne pas avoir eu l’attitude d’un Français durant l’occupation allemande, et qu’il « a couru » au-devant de l’ennemi. L’entrevue entre les deux hommes s’enflamme. Georges Giraudon finit par lancer un coup de pied au derrière de l’enseignant alsacien, qui prévient qu’il fera un rapport à l’inspecteur. Quelques jours plus tard, Georges Giraudon est sommé de s’expliquer devant sa hiérarchie. Il devra écrire une lettre d’excuse à son confrère et recevra une réprimande.
Le 29 juillet 1940, Georges Giraudon rédige une lettre d’excuse destinée à Monsieur Pfirsch.

Lettre d’excuses de M. Giraudon à M. Pfirsch
Réprimande de l’Inspection Académique envoyée à M. Giraudon


A cinquante-quatre ans, Georges Giraudon termine sa carrière d’instituteur en faisant valoir ses droits à la retraite le 31 décembre 1941. Avec sa femme, ils s’installent au Blanc dans une maison nommée la Villa Pax. L’instituteur berrichon y décède vingt-cinq ans plus tard.

Sources des archives départementales de l’Indre :
-Dossier de carrière d’instituteur de Georges Giraudon – cote 888 W 65
-Fiche matricule militaire de Georges Giraudon – cote R 2419
-Carte postale de l’école de Buzançais – Carte postale isolée 11 Fi

Un avis sur « Un dossier de carrière d’instituteur : Georges Giraudon, directeur à Buzançais »

  1. merci pour ce travail très intéressant mon grand père avait du caractère sa carrière est assez exemplaire et je peux maintenant mieux la suivre meme si j’en connaissait une partie. En retraite au Blanc en vacance s je le voyais partir à l’école pour préparer des élèves au certificat.

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