La réintégration permet à un Français de recouvrer la nationalité française qu’il avait précédemment perdue, comme cela arrivait aux femmes françaises qui épousaient un étranger.
Une réintégration suite à un veuvage :
Marie Baptistide Monceau épouse Antoine Marie Restieaux en 1883 à Laval. La jeune femme de 24 ans est née à Laval, son père et sa mère sont mayennais. Antoine Marie Restieaux est plus âgé de seize ans, il est né en Belgique dans l’arrondissement de Tournai, c’est là que vit encore sa mère qui consent au mariage de son fils suivant un acte établit par Maître Leroy notaire dans le même arrondissement. Par ce mariage, Marie Baptistide perd la nationalité française au profit de celle de son mari : la nationalité belge. Le couple s’installe rue de l’Abattoir où vont naître leurs trois enfants : Marie, Anna et Élie.
Dans le recensement de 1891, la famille est de nationalité belge y compris les enfants bien qu’ils soient nés sur le territoire français. En effet jusqu’en 1889, les enfants nés de parents étrangers ont la nationalité de leurs parents, ils peuvent réclamer la qualité de Français dans l’année suivante leur majorité.

Le soir du 21 septembre 1895, Antoine Marie Restieaux décède en son domicile, âgé de 52 ans. Marie devenue veuve doit désormais s’occuper seule de ses trois enfants, âgés de sept à onze ans. Conformément au Code Civil, Marie Baptistide Monceau, veuve Restieaux, recouvre la qualité de Française. Le décret de réintégration est rédigé le 26 octobre 1895, soit un peu plus d’un mois après le veuvage de Marie.

Article 19 du code civil :
« Une femme française qui épousera un étranger, suivra la condition de son mari.
Si elle devient veuve, elle recouvrera la qualité de Française, pourvu qu’elle réside en France, ou qu’elle y rentre avec l’autorisation du Gouvernement, et en déclarant qu’elle veut s’y fixer. »
Marie Monceau a bénéficié d’une remise totale, elle n’a donc pas payé de taxe pour recouvrer sa nationalité.
Dans le recensement de 1901, Marie, épicière résident toujours rue de l’Abattoir avec ses enfants, ils sont devenus français.

Une réintégration par la naturalisation de l’époux :
En 1890, Marie Le Bris rencontre Ferdinand Calphas, photographe ambulant. Celui-ci est né à Anvers en Belgique en 1864, d’un père turc et d’une mère belge. Le 12 novembre 1893, Marie Le Bris accouche dans la roulotte d’un premier garçon Georges. Le couple se trouvait dans le calvados à l’occasion d’une foire. Deux filles naissent en Ille-et-Vilaine : Berthe en 1895 et Hélène en 1898. Trois ans plus tard, Marie et Ferdinand se marient en la mairie d’Alençon. A cette occasion, ils reconnaissent et légitiment leurs trois enfants mais Marie Le Bris perd sa nationalité française. A l’automne 1901, la famille se sédentarise à Ernée, rue du Baril, où le père continue d’exercer le métier de photographe.

En 1913, Ferdinand Calphas entreprend les démarches pour obtenir la nationalité française. Un dossier, complété de pièces justificatives, est établi par la sous-préfecture de la Mayenne et la mairie d’Ernée. Une première partie reprend l’état-civil du postulant, de sa femme et de ses enfants mineurs. Ensuite, on s’interroge sur sa solvabilité, la naturalisation n’étant pas gratuite. On explique que M. Calphas demande à être exonéré en raison de ses charges de famille, ses ressources suffisent à peine à couvrir les charges du ménage.
M. Calphas a perdu tout esprit de retour dans son pays de naissance, car il habite la France depuis plus de 30 ans. La situation professionnelle et les lieux de résidence de ses 7 frères et sœurs sont listés, seul sa sœur aînée vit en Belgique, un de ses frères est naturalisé français.
La liste des documents à fournir sont ceux de l’état-civil concernant le postulant et ses enfants mineurs, un justificatif de son service militaire, l’engagement de payer les droits du sceau (127 Francs 25), sachant que le loyer de M. Calphas est de 100 Francs. Monsieur Calphas doit justifier de sa résidence en France depuis les dix dernières années. Une attestation de domicile établit par la mairie d’Ernée est jointe au dossier, on apprend que la famille Calphas y réside depuis septembre 1901.
Pour son épouse, il est précisé que « La naturalisation du mari ne profitant pas à la femme, celle-ci devra introduire une instance personnelle si elle désire recouvrer ou acquérir la qualité de française. A cet effet, il lui suffira de signer la requête de son mari et de produire ses actes de naissance et de mariage. »
L’avis est très favorable pour la demande de naturalisation et pour une remise totale des droits de sceau, car M. Calphas n’est pas en mesure de les payer argumente le sous-préfet.
Extrait du dossier de demande de naturalisation – AD 53 – 6 M 469 :
Les motivations de Ferdinand Calphas sont transmises au ministre de l’Intérieur par le préfet de la Mayenne : « Monsieur Calphas demeure en France depuis 1874. Il demande la naturalisation parce que sa femme est d’origine française, son père et presque tous ses frères et sœurs sont domiciliés en France. Ses 3 enfants sont nés dans notre pays.
Son fils aîné, né le 12 novembre 1893 à renoncé à revendiquer la nationalité belge et a demandé à faire son service militaire en France. Il partira soldat avec la classe 1913.
En raison des bons renseignements qui m’ont été fournis par M. Calphas, je donne un avis favorable à sa demande de naturalisation.
A Laval, le 13 septembre 1913 »
Extrait du dossier de demande de naturalisation – AD 53 – 6 M 469 :
M. Calphas se rend devant le juge de paix du canton d’Ernée pour souscrire la déclaration assurant la nationalité française à ses enfants mineurs nés sur le territoire français.
Ferdinand Calphas devient français par décret de naturalisation du 3 février 1914, sa femme Marie Le Bris recouvre sa nationalité française par le même décret, treize ans après son mariage.

Ministère de la Justice République Française
Le Président de la République Française,
Sur le rapport du Garde des Sceaux, Ministre de
la Justice,
Vu les actes de décès d’étrangers ayant épousés des Françaises ;
Vu la déclaration de l’article 10 du code civil
souscrite par des étrangers ayant épousé des Françaises ;
Vu le jugement d’autorisation de justice du 21 nov 1913 ;
Vu le Jugement de divorce en date du 2 décembre 1890
Vu le décret en date de ce jour conférant la naturalisation à des étrangers ayant épousé des Françaises ;
Vu les articles 18 et 19 du code civil ;
Décrète : Article I
Sont réintégrées dans la qualité de Française qu’elles avaient perdue par leur mariage : […]
4° Avec des étrangers naturalisés par décret en date de ce jour […]
Le Bris (Marie Perrine), femme Calphas,
née le 7 février 1870 à Mur de Bretagne (Côtes-du-Nord),
Demeurant à Ernée (Mayenne) […]
Article II
Le garde des sceaux, Ministre de la justice, est chargé de l’exécution du
présent décret qui sera inséré au Bulletin des lois.
Paris, le trois février
mil neuf cent quatorze
Par le Président de la République :
Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice
Extraits du décret du 03/02/1914 –
Archives Nationales – BB/34/440
En 1941, Ferdinand Calphas et Marie Le Bris font une demande de carte d’identité française dont voici les fiches de notification conservées aux archives départementales de la Mayenne.


La loi de 1927 permet à la femme française de conserver sa nationalité lorsqu’elle épouse un étranger, et leurs enfants sont français. Tandis que la femme étrangère qui épouse un Français doit faire une demande pour l’acquérir.
L’ordonnance de 1945 précise qu’une femme française épousant un étranger reste française, à moins qu’elle ne répudie expressément sa nationalité d’origine. L’étrangère qui épouse un Français devient Française, mais elle peut décliner cette acquisition.
Pendant la deuxième moitié de XXe siècle, un délai après le mariage est instauré pour souscrire une déclaration de nationalité, il a varié de 6 mois à 4 ans.
Sources :
État civil Archives départementales de la Mayenne (AD 53) : 4 E 159/59 ; 4 E 159/279 ; 4 E 159/316
Recensements Archives départementales de la Mayenne (AD 53) : 6 M 251 ; 6 M 252 ; 6 M 254 ; 6 M 255 ; 6 M 189
Dossier de naturalisation Archives départementales de la Mayenne (AD 53) : 6 M 469
Fiches de notification d’identité Archives départementales de la Mayenne (AD 53) : 1516 W 163
https://archives.lamayenne.fr/page/chercher
État civil Archives départementales de l’Orne (AD 61) : 3 E 2_001_422
https://archives.orne.fr/etat-civil
Décret de naturalisation Archives nationales (AN) : BB/34/409 ; BB/34/440
https://www.archives-nationales.culture.gouv.fr/