C’est sous le règne de Louis XIV que le comte de Laval émet un avis favorable au projet des habitants de fonder un hospice pour abriter les pauvres, les vieillards, incapables d’exercer un métier et condamnés à la mendicité. En 1681, débute la construction de l’hospice à l’emplacement actuel de la poste entre la rue Bel-Air et l’allée du Vieux Saint-Louis où stagnait l’ancien lit de la Mayenne. L’établissement est nommé hospice Saint-Louis.

Le 19 janvier 1811 est publié le décret imposant la présence d’un tour d’exposition ou d’abandon dans les hospices. Un tour est donc installé à l’hospice Saint-Louis, seul tour du département, l’hospice est tenu d’accepter tous les enfants de la Mayenne. Le mur est percé afin d’y installer une boîte en bois qui pivote, d’où son nom : tour, tourniquet ou tiroir. La personne place l’enfant dans la boîte aménagée, l’a fait pivoter, agite une clochette. De l’autre côté du mur, une personne de l’hospice accueille le bébé. L’objectif de ce décret est évidemment de réduire le nombre d’abandons d’enfants, mais aussi celui des infanticides. L’anonymat et l’impossibilité de pouvoir reprendre son enfant peuvent avoir un effet dissuasif, mais le nombre d’abandon va au contraire augmenter.
L’hospice Saint-Louis devient trop petit pour continuer à accueillir les nécessiteux de la ville et les enfants abandonnés, trouvés, orphelins. De plus, il est devenu vétuste à cause de l’humidité provenant de l’ancien lit de la Mayenne, le coteau de Bel-Air empêche la construction de nouveaux bâtiments à proximité de l’ancien. En 1847, l’hospice Saint-Louis est transféré rue de Nantes dans un établissement neuf qui a coûté environ 800 000 francs. L’année suivante, l’ancien lit de la Mayenne est comblé.


Avant l’aménagement du tour d’exposition dans le nouvel établissement, le préfet avait demandé au ministre de l’Intérieur l’autorisation de le supprimer. Ce dernier avait répondu que le décret de 1811 empêchait la fermeture du tour. Le rapport de l’inspecteur général des établissements de bienfaisance du Royaume en 1845, envoyé au préfet, fait état de remarques qui devront être corrigées pour permettre la diminution d’enfants exposés :
« Le tour d’exposition de l’hospice de Laval est ouvert de 8 heures du soir à 4 heures du matin : aucune surveillance n’est exercée sur ce tour, et la mesure des secours temporaires, comme moyen de prévenir ou de faire cesser les expositions, n’est pas n’ont plus en vigueur dans la Mayenne. »

« Je vous ferai seulement remarquer que, dans le but de rendre cette surveillance plus facile et plus efficace, il convient de réduire les heures d’ouverture du tour et l’espace compris entre neuf et onze heures du soir serait suffisant pour le besoin des expositions. »

En 1846, le préfet émet un arrêté concernant les enfants trouvés dans le but de réduire les abandons qu’il considère abusif et à favoriser l’identification des individus profitant indûment de ce dispositif. Le document a été approuvé par le ministère.
Le tour n’est maintenant ouvert que deux heures le soir de 21 heures à 23 heures, un surveillant inscrit sur un bulletin l’identité du dépositaire, ce dernier donne l’identité de la mère et son village d’origine. La majorité des dépositaires sont des sages-femmes, l’enfant est porteur d’un prénom puisque la sage-femme l’a déclaré à la mairie. La Sœur désignée par la commission administrative remplit le bulletin d’exposition, donne à l’enfant un matricule, elle détaille sa layette et copie les informations de son acte de naissance. Ensuite, il est inscrit au registre d’admission et se voit attribuer un nouveau prénom. Dans la majorité des cas, il est rapidement confié à une nourrice du département qui ne connaît que son matricule et son prénom de substitution. Ainsi, l’enfant ne pourra pas être approché par le dépositaire ou sa mère sans en faire la demande officiellement à l’hospice. En 1849, seuls 3 nouveau-nés, sur les 200 enfants immatriculés, ont été déposés anonymement au tour d’abandon. Une dizaine d’enfants n’a pas été admis à l’hospice, ils ont été rendus à leur famille.
Félix Le Clerc est né le 12 janvier 1849 à Laval, il est déposé à l’hospice Saint-Louis par Justine Marcoul, épouse de Pierre Gerbault, sage-femme à Laval. La mère de Félix est tisserande à Andouillé. Félix est inscrit sous le matricule 4079, il est renommé Bernard. À l’âge de deux jours, il est placé chez Noël Haquin au Cormier à Loiron. Félix décède à l’âge de 9 ans le 18 février 1858.
À l’image de la ville de Beauvais qui supprime son tour en 1859, le préfet de la Mayenne, A. Bélurgey de Grandville souhaite en faire autant. Après plusieurs échanges de courrier avec le ministre de l’Intérieur, il est convenu que le tour d’exposition peut être fermé à condition d’ouvrir un bureau d’admission. Celui-ci est établi à l’intérieur de l’hospice et le 23 août 1860 le préfet émet un nouvel arrêté sur la composition de ce bureau et les conditions d’admissions définitives des enfants, ainsi que celles pour les enfants secourus. Le préfet adresse un courrier aux sous-préfets, maires et commissaires de Police de la Mayenne pour qu’ils prennent connaissance du décret et avertissent la population par affichage. Le tour est alors fermé le premier novembre 1860.
Aujourd’hui, l’emplacement du tour est toujours visible dans la façade de l’hospice Saint-Louis, rue de Nantes à Laval.


Sources :
Archives départementales de la Mayenne : https://archives.lamayenne.fr/
Fonds Robert Lebeurier Tour de l’hospice Saint-Louis – Cote 42 Fi 463.
Plan cadastral de Laval – 1840 – Cote CN 95 2/7 – section B1
Enfants trouvés de l’hospice Saint-Louis de Laval : cotes X1144 ; X1124
https://pop.culture.gouv.fr/
https://fr.wikipedia.org/