Dans le registre de la compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM), Service voies et bâtiments, les employés des chemins de fer sont inscrits sur une double page. En haut à gauche, on peut lire leur matricule suivi de leur numéro de caisse de retraite et de la date de référence pour le décompte des années de cotisations. Au centre, à cheval sur les deux pages figurent les nom, prénoms du salarié, et pour les femmes leur nom d’épouse et situation familiale.
La page de gauche reprend l’état-civil et les antécédents du salarié. Ensuite l’évolution de carrière est détaillée ainsi que les salaires et les résidences successives jusqu’à la retraite ou au décès du salarié. En cas de départ avant la retraite le motif est notifié. Les « punitions et gratifications » sont inscrites sur la page de droite. Ces registres sont disponibles sur le site des Archives Nationales du Monde du Travail (ANMT)
www.archives-nationales-travail.culture.gouv.fr/
Voici les fiches matricules de quelques gardes-barrières d’Auxy dans le Loiret. Ce village est traversé par la ligne de chemin de fer de Villeneuve-Saint-Georges à Montargis, aujourd’hui désaffectée, on peut encore voir l’emplacement des huit passages à niveau. Certains étaient gardés par des garde-barrières. Ces femmes s’assuraient que personne ne traverse la voie au moment du passage d’un train, pour cela elles fermaient les barrières et les portillons dont elles étaient chargées de l’entretien. Ce métier les contraignait à être présentes à chaque passage de train, en cas d’absence elles devaient prévenir leur supérieur pour être remplacée. Les registres nous apprennent que certaines n’étaient pas toujours consciencieuses, tandis que d’autres étaient récompensées pour avoir évité des accidents.
Marie Augusta Simon entre au Chemin de fer en 1906 comme garde-barrière à Augerville. Elle est mariée depuis cinq ans à Augustin Tazé qui vient d’obtenir un poste définitif à la compagnie PLM. En 1914, ce dernier se mettant en état d’ivresse, il est « déplacé » à Nogent et sa femme se voit confier la surveillance d’un autre passage à niveau.
C’est en mars de 1917 que Marie prend le poste de garde-barrière du passage à niveau N°66 d’Auxy. Quatre mois plus tard, Marie reçoit un avertissement puis un blâme car ayant été condamnée par le tribunal deux mois plus tôt, elle aurait dû avertir son supérieur. Elle n’a pas su répondre correctement lorsque celui-ci lui en a fait la remarque.
En 1925, Augustin Tazé est tué par un train, sa femme est mise en disponibilité. Elle ne sera réintégrée qu’en 1928 dans un village de l’Yonne. Six mois plus tard, Marie s’absente de son poste sans autorisation, ni se faire remplacer. Les portillons étant mal entretenus, une vache pénètre sur la voie, l’animal est tuée par un train. Marie n’a pas su prendre les dispositions utiles pour faire dégager la voie. Elle est sanctionnée d’un blâme et sa gratification est réduite de 25%.
En avril 1933, elle est mise en retraite anticipée, elle a 59 ans.
Fiche matricule de Marie Augusta Simon
Fiche matricule d’Augustin Tazé
Depuis 1904, le passage à niveau N°69 est surveillé par Adeline Quilas. Mère de trois enfants, elle se remarie avec Gustave Gandrille en 1908. Alors qu’elle était régulièrement gratifiée, l’année suivant ce remariage, Adeline oublie deux fois de fermer les barrières et de signaler le passage d’un train, elle en est quitte pour des avertissements et réprimandes. Le reste de sa carrière est exemplaire : elle éteint un incendie, et enlève des madriers tombés sur la voie, sa bravoure est reconnue par ses supérieurs. Elle gardera ce passage à niveau jusque sa retraite en 1925, et profitera de celle-ci pendant 14 ans.
Fiche matricule d’Adeline Quilas
Le passage à niveau N°65 est situé sur le chemin du Gué du Bignon, aujourd’hui nommé départementale 787. La famille Marie réside dans la maison de garde-barrière depuis 1901. Félix est poseur de voie, c’est un employé zélé qui est régulièrement récompensé, il demande sa retraite à 58 ans, et reçoit la médaille d’Honneur des Chemins de fer à la fin de sa carrière. Sa femme, Julie Durand est prise à l’essai en avril 1901 pour garder le PN 65, elle a deux enfants de 2 et 6 ans. Elle est embauchée deux mois plus tard et fait toute sa carrière de garde-barrière au même passage à niveau. Elle prend sa retraite en même temps que son mari, elle aura eu un seul avertissement pour avoir laissé sa barrière ouverte en 1909. Julie décède en 1927, un an après avoir cessé de travailler.
Fiche matricule de Félix Marie
Fiche matricule de Julie Durand