La transmission des armoiries

L’origine de l’héraldique provient des emblèmes ou armoiries des combattants de tournois médiévaux qui devaient être reconnus par les hérauts lorsqu’ils les décrivaient en début de combat. Ceux-ci veillaient à faire respecter les règles de combat mais aussi à répertorier les blasons personnalisés. Ensuite les armoiries servirent à l’ identification des documents grâce aux sceaux et aux bagues gravées à cacheter, à décorer certains objets du quotidien ou les demeures autant à l’extérieur (blason gravées sur la pierre) qu’à l’intérieur en les représentant peintes sur les murs. Bref, le blason est une façon de signer ce qui nous appartient, une décoration, une marque pour l’artisan, c’est une création personnelle représentant des valeurs.

Arcade au dessus du gisant de Charles Ier de Croÿ, collégiale de Chimay

Le langage héraldique répond à des codes et un vocabulaire précis permettant à tous de reproduire un blason sans contrainte artistique, seule la description du blason doit être respectée. La forme du blason est géométrique (comme un bouclier) pouvant être écartelé (partition) ou séparé par une autre pièce géométrique (chevron, croix…), il est décoré de figures qui sont appelées meubles (animaux, végétaux, objets…) dont les places sont libres.
Suivant sa représentation, le blason sera coloré de blanc ou de jaune (des métaux correspondant à l’argent et l’or) et de couleurs : azur, gueules (rouge), sinople (vert), sable (noir), naturel (couleur naturelle de l’élément représenté). En gravure ou représentation dichromatique, les écus et meubles sont hachurés de différentes manières pour codifier les émaux, la seule règle étant de ne pas superposer deux métaux ou deux couleurs.

Les blasons sont transmissibles de génération en génération, la famille de Croÿ, attachée à la principauté de Chimay en Belgique possède un blason :

D’argent, à trois fasces de gueules
Le fond du blason est blanc (d’argent),séparé par 3 bandes horizontales (fasces) rouges (de gueules)

Armes primitives de la famille de Croÿ au XIIIème siècle

Le blason de la famille de Croÿ figure en tête de ces illustrations du château de Chimay et du village d’Anor dans l’Avesnois : gouaches sur parchemin réalisées entre 1598 et 1602 par le peintre Adrien de Montigny, issues des albums commandés par Charles II de Croÿ.

Cet écu va s’enrichir au cours des siècles par l’ajout des blasons des épouses ou la modification par des descendants souhaitant le personnaliser.
La généalogie suivante montre différentes possibilités de variations (brisures) tout en conservant la représentation primitive de la famille de Croÿ, qui transmet son blason en même temps que son patronyme.

Jean de Croÿ a assemblé le blason de ses parents pour fonder le sien, en même temps qu’il fonde la Maison de Croÿ-Renty :
Écartelé : aux 1 et 4, d’argent, à trois faces de gueules ; aux 2 et 3, d’argent à trois doloires de gueules, les deux du chef adossées.

Jean II de Croÿ, 3ème , fils du précédent et de Marguerite de Craon a utilisé les armes de la famille de son grand-père maternel : un écu écartelé au premier et dernier losangé d’or et de gueules qui est de Craon, au deuxième et troisième d’or au lion rampant de sable qui est de Flandre. Cet écu lui a été transmis de sa mère en inversant les places des armes des de Craon avec celle de Flandre. Il a été placé au centre de celui de la famille de Croÿ-Renty :
Écartelé: aux 1 et 4, d’argent, à trois fasces de gueules (de Croÿ) ; aux 2 et 3, d’argent, à trois doloires de gueules, les deux du chef adossées (de Renty); sur le tout écartelé, aux 1 et 4, d’or au lion de sable (de Flandre) ; aux 2 et 3, losangé d’or et de gueules (de Craon)
Chevalier de la Toison d’Or (1430), Grand Bailly du Hainault de 1434 à 1456, il rachète la seconde part de Chimay au Duc de Bourgogne en 1445, Jean II de Croÿ devient comte de Chimay en 1473.

Le fils de Jean II, Philippe de Croÿ, comte de Chimay, Grand Bailly du Hainault, Chevalier de la toison d’Or (1473) prend les armes de son père, qu’il transmet à sa mort à son fils aîné Charles en 1483. Le blason n’a pas été modifié pendant deux générations.

En 1486, Charles de Croÿ devient le premier Prince de Chimay en récompense à sa fidélité envers Maximilien d’Autriche. Il est fait Chevalier de la Toison d’Or en 1491. Il agrémentera le blason familial d’une bordure azur, ses armes se blasonnent ainsi :
Écartelé: aux 1 et 4, (de Croÿ); aux 2 et 3, de (de Renty); sur le tout écartelé, aux 1 et 4, (de Flandre) ; aux 2 et 3 (de Craon) les armes brisées d’une bordure d’azur chargée de douze besants d’argent.

Charles de Croÿ a eu en 1502 de son mariage avec Louise d’Albret une fille Anne qui épousa son cousin Philippe de Croÿ, Sire de Croÿ, Chevalier de la Toison d’Or. A la mort de son beau-père, il devient le 2ème Prince de Chimay et Philippe II de Croÿ repris les armes de la Maison de Croÿ :
Écartelé : aux 1 et 4, d’argent, à trois faces de gueules ; aux 2 et 3, d’argent à trois doloires de gueules, les deux du chef adossées.

Ces armes sont transmises à Charles II de Croÿ, fils de Philippe II de Croÿ, qui n’a pas de descendance.

Cet arbre montre qu’il y a une grande liberté dans l’évolution du blason familial, les femmes ne le brisant pas systématiquement avec leur blason et les descendants n’apportant que de légères modifications, il est dans ce cas facile d’identifier la lignée. Mais ce n’est pas toujours aussi simple lorsqu’il faut faire la généalogie ascendante d’un blason comme celui-ci :

Blason de la famille de Croÿ-Solre :
Écartelé : au 1 et 4, contre-écartelé a) et d) d’argent, à trois fasces de gueules (de Croÿ), b) et c) d’argent, à trois doloires de gueules, les deux du chef adossées et posées l’une en bande, l’autre en barre, celle de la pointe posée en bande (de Renty) ; au 2, contre-écartelé a) et d) d’azur, à trois fleurs-de-lis d’or (de France), b) et c) de gueules plein (d’Albret), sur le tout d’hermine (de Bretagne); au 3, contre-écartelé a) et d) d’or au lion de sable (Flandre), b) et c) losangé d’or et de gueules (Craon). Sur le tout de l’écusson écartelé de Croÿ et de Renty.

Sources iconographiques :

Extraits des « albums de Croix » d’Adrien de Montigny commandés par Charles de Croix : gouaches sur parchemin (50x40cm) reliées en album-1598 à 1602 – Tome 1 : Couverture et Le Château de Chimay, Tome 2 : Le villaige Davnort 
« Messire Jean de Croÿ Seigneur de Tour sur Marne », Feuillet recto et verso-DURIEZ, Le Blason des Armoiries de tous les chevaliers de l’Ordre de la Toison d’or depuis la première institution, jusques à présent (283 dessins) : aquarelles Duriez 1828
« Messire Philippe de Croÿ Comte de Chimay», Feuillet recto et verso-DURIEZ, Le Blason des Armoiries de tous les chevaliers de l’Ordre de la Toison d’or depuis la première institution, jusques à présent (283 dessins) : aquarelles Duriez 1828
« Messire Charles de Croÿ Prince de Chimay. Viscomte de Limoges », Feuillet recto et verso-DURIEZ, Le Blason des Armoiries de tous les chevaliers de l’Ordre de la Toison d’or depuis la première institution, jusques à présent (283 dessins) : aquarelles Duriez 1828
« Messire Philippe de Croÿ Duc d’Arschot, Prince de Chimay, Comte de Porcean et de Sinneghen. », Feuillet recto et verso-DURIEZ, Le Blason des Armoiries de tous les chevaliers de l’Ordre de la Toison d’or depuis la première institution, jusques à présent (283 dessins) : aquarelles Duriez 1828
« Blason de la famille de Croÿ-Solre » : Image réalisée par Jimmy NICOLLE, Montbert, pour le projet Blasons du wikipédia francophone
Armoiries de Croy, de Renty, de Craon, de Lalaing : Emmanuelle Decrand avec les logiciels Héraldique et Inkscape-2019

Bibliographie :
ARCHASAL, Pierre-Valéry, L’ABCdaire de la Généalogie, Paris, Flammarion, 2000, « collection L’ABCdaire », 119 pages.
Armorial de l’Europe et de la Toison d’or, manuscrit ayant appartenu au Marquis Antoine René d’Argenson, 1401-1500, 167 feuillets Bibliothèque de l’Arsenal, Ms-4790 réserve.
DE COURCELLES, Jean Baptiste, Histoire généalogique et héraldique des pairs de France…,Volume 8, Paris,1828,30 pages [p 11-16,36-49, 57-88] 
DURIEZ, Le Blason des Armoiries de tous les chevaliers de l’Ordre de la Toison d’or depuis la première institution, jusques à présent (283 dessins) : aquarelle Duriez 1828
PASTOUREAU, Michel, Figures de l’héraldique, Paris, Gallimard, 1996, « collection découverte », 144 pages.
PASTOUREAU, Michel, Couleurs, image, Symboles, Études d’histoire et d’anthropologie, Paris, Le léopard d’Or, après 1987, 291 pages.
PASTOUREAU Michel, Simonnet Dominique, Le petit livre des couleurs, Paris, Points – Édition du Panama, 2005, Collection « Points Histoire »




%d blogueurs aiment cette page :